Un frère
Sally-Jane (© 2004-2006)
L'entrée en sixième, quel moment bien difficile dans l'enfance. On passe d'une classe à petit effectif à un collège de plusieurs centaines d'élèves. Faut prendre le bus le matin, manger à la cantine, apprendre un emploi du temps, et personne nous à préalablement préparer ; place à l'improvisation pour s'en sortir.
Dans les premières semaines chacun cherche ses marques et petit a petit se fait de nouveaux amis, de nouvelles habitudes. Tu as été le premier que j'ai remarqué dans le car, et dès le premier jour, tout simplement parce que tu étais le seul de ma classe et que je ne t’avais jamais vu alors que tu habitais à quelques centaines de mètre de chez moi.
Tous les deux un peu trop timide, mais tous les deux un peu trop curieux, on a décidé d'apprendre à se connaître. Je me suis assis à coté de toi, on a parlé, et la sympathie s'est installée. Les jours passaient, toujours à tes cotés pour le trajet, et toujours quelque chose à se dire. Finalement tu m’as invité chez toi, un soir après les cours, j'accepte avec plaisir. J'y rencontre ta mère, une femme remplie de gentillesse, même pour un petit inconnu.
Une amitié est née entre nous, grandissant après chaque
après-midi passée chez l'un ou chez l'autre, après chaque trajet en bus, après
chaque discussion. Le temps passe, l'année s'écoule et on devient de plus en
plus proche. Le collège devient une routine, saccadée par les mercredis et week
end passés ensemble. Devant la télé, un jeu vidéo, ou n'importe quoi, on était
ensemble et on s'amusait.
Les années passent, et tu n'étais plus qu'un simple copain, tu étais un ami, tu
étais devenu mon frère.
Tes parents devenaient les miens, ta mère remplie d'attentions, ton père et ses
vannes pliantes.
Je ne pourrais dire le nombre d'heures passées avec toi, mais ce dont je suis
sur ce que aucune n'a été soumise à l'ennui.
Après 6 ans, l'improbable arrive : ta mère veut déménager ... loin. Il sera
très difficile de nous voir dans le futur, mais impossible d'y échapper. Il
faut que tu partes.
Le pire moment de ma vie a été ce moment, ou après avoir aidé à vider ta
maison, on s'est assis sur les marches, à essayer de trouver des mots. Mais
tout est passé par un regard humide, rempli de tristesse.
Je me lève, te serre la main et prend ce chemin caillouteux, emprunté des centaines
de fois, mais celle la serait la dernière, accompagnée d'une larme et d'une
douleur indéfinissable. C'était un 21 Juin, je m'en souviendrai toute ma vie.
Arrivé dans ta nouvelle région tu donnais des nouvelles de temps en temps, on
s'appelait, mais c'était bien difficile avec la distance. Mais quelque chose ne
va pas, tu changes, pourquoi ? Comment ? J’en sais rien mais tu étais bien
différent. J'ai très vite compris quand tu es revenu nous rendre visite pour
une semaine. La solitude, le changement et le reste t’avaient plongé dans
l'alcool. Quelle douleur de te voir ainsi, tremblant, perdu ... Mais tu ne semblait
pas en avoir conscience, et je ne pouvais te raisonner.
Le déclic survint quand même, un peu plus tard, une envie de changer venue d'on
ne sait où, qui te pousse à quitter ta famille pour rejoindre la capitale.
Forcement content pour toi, je reste quand même en proie au doute sur la suite
des évènements. Et tu m'annonce que tu as trouvé du boulot ... et un appart'
... et une tite femme. Le choc, tu a réellement mûris. Tu as enfin ta vie.
Et aujourd'hui, je suis encore plus fier de toi, surtout avec le mariage et la
naissance de ton petit bout.
Quand je repense à tout, et que je te regarde maintenant, un
père de famille qui à traversé pas mal de choses, j'en reste sans voix mais je
suis heureux de te voir épanoui.
Le temps passe, mais rien ne s'efface.